Multiplication des équipements électriques, nouvelles offres, performances toujours plus élevées… font que les économies d'électricité gagnées d'un côté sont compensées par de nouvelles consommations. Il y a eu énormément d'efforts réalisés, notamment sur la veille des appareils électriques, ce qui a engendré des économies d'énergie. Mais on constate toujours une surconsommation due à l'apparition de nouveaux équipements, explique Sarah Dukhan, ingénieur des projets internationaux au département Marchés et services d'efficacité énergétique de l'Ademe.
L'effet rebond constitue en effet l'un des effets pervers de l'amélioration de l'efficacité énergétique. Les gains d'efficacité des appareils électriques réduisant les coûts d'utilisation, l'économie dégagée est reportée sur d'autres produits, d'autres consommations. Les téléviseurs consomment moins d'électricité ? Cette performance va être amoindri par le développement d'écrans de plus en plus grands ou l'ajout de nombreux périphériques. Au final, la consommation d'électricité n'aura pas baissé ou aura même augmenté.
Résidentiel : la modernisation des équipements engendre une surconsommation
Dans le résidentiel, malgré des améliorations significatives des appareils électriques et électroniques, la consommation énergétique ne cesse d'augmenter. Nouveaux équipements et nouveaux comportements sont à la source de cette croissance des consommations.
Le projet Remodece (Residential Monitoring to Decrease Energy Use and Carbon Emissions in Europe) a permis de mieux connaître la consommation d'énergie chez les ménages et d'analyser les comportements et les évolutions de la demande. L'étude a plus précisément porté sur les postes audiovisuel et informatique, qui ont le plus évolué au cours de ces 5 dernières années.
Malgré une nette amélioration des technologies des téléviseurs, notamment au niveau de la veille, la consommation électrique liée à ce type d'équipement a été multipliée par 2,2 en 12 ans en France. La taille des écrans, plus grands, plus puissants donc plus énergivores, est à l'origine en partie de cette hausse de consommation. Un écran plasma, par exemple, consomme deux fois plus que le bon vieux tube cathodique. Mais pas seulement : les comportements ont également évolué. Les Français regardent de plus en plus la télévision : + 15 % en 12 ans.
La multiplication des périphériques est également en cause : un démodulateur (ou décodeur) consomme 84 kWh/an, dont 80 % en marche, 20 % en veille. 16 % des logements le laissent en permanence allumé, 19 % l'éteignent lorsqu'ils ne l'utilisent pas. Si les lecteurs DVD consomment moins que les magnétoscopes, les consoles de jeux, elles, sont de plus en plus performantes et donc énergivores. Les fabricants multiplient par 10 la puissance appelée tous les 5 ans selon l'étude.
Concernant le poste informatique, il apparaît que l'ordinateur portable consomme moins qu'une unité centrale et que l'utilisation moyenne journalière d'un portable est moins importante : 5h contre 7h18 pour une unité centrale. Comme pour les téléviseurs, la taille de l'écran joue sur la consommation. A noter toutefois que l'écran LCD, de plus en plus répandu, consomme moins que le CRT. Les périphériques sont également très énergivores : le modem reste généralement allumé 24h/24, il consomme 55 kWh/an, ce qui le place sur la première marche du podium des périphériques les plus consommateurs.
A noter néanmoins quelques progrès technologiques et comportementaux : la consommation annuelle des appareils de froid et des lave-linge a diminué, les puissances de veilles ont été fortement réduites et les arrêts des équipements sont plus fréquents. Mais les économies d'énergie ne sont pas au rendez-vous : les usagers réinvestissent les gains des économies dans plus de services ce qui génère une consommation supplémentaire et une réduction, voire une annulation, des économies d'énergie, note le rapport.
Il faudrait que la réflexion soit initiée dès la mise en place de ces appareils, au niveau des fabricants. Il faut qu'il y ait une réglementation plus stricte, notamment avec des limitations de puissance, explique Sarah Dukhan.
Parmi les recommandations de l'étude, le développement d'appareils multifonctions ou la substitution d'un appareil par un autre (ordinateur à la place de la télévision par exemple) pourraient apporter une économie sensible. Une meilleure sensibilisation des usagers doit également être envisagée, notamment au niveau du taux de renouvellement des appareils.
La combinaison entre l'amélioration des comportements humains et des performances technologiques pourra contribuer à une baisse significative des consommations, conclut le rapport.
Tertiaire : la sensibilisation et la réglementation pour gagner en efficacité énergétique
Dans le tertiaire, la grande hétérogénéité des structures (bureaux, commerces, hôpitaux, aéroports…) ne permet pas de dégager des indicateurs communs. Malgré tout, l'éclairage, la bureautique, les TICs, la gestion du froid et du chaud apparaissent comme les principaux usages d'électricité sur lesquels des voies d'amélioration sont possibles.
En France, les gisements d'économies d'énergie observés sur chacun des bâtiments sont différents selon l'usage. Pour certains, ce sont des systèmes de ventilation et de conditionnement d'air qui ne sont pas pilotés le week-end, des TIC (les imprimantes et les photocopieurs) qui restent en veille inutilement. Pour l'éclairage, l'utilisation de lampes halogènes reste encore trop importante et les éclairages ne sont pas assez pilotés.
La mise en place de gestions automatisées des équipements (chauffage, climatisation) ne semble pas très pertinente. Une meilleure implication des utilisateurs dans la gestion de ces équipements pourrait en effet permettre des économies d'énergie. Nous nous sommes rendu compte que la gestion centralisée de ces équipements ne convenait pas au confort de l'usager. Il aura tendance par exemple à ouvrir la fenêtre s'il a chaud alors que le chauffage fonctionne, note Sarah Dukhan.
Les gisements existent donc, sans besoin d'une grande révolution ! Une meilleure sensibilisation et implication des usagers et l'élargissement des normes à l'existant pourraient dessiner la voie d'une diminution des consommations énergétiques dans le tertiaire.