Abordée à l'occasion du Grenelle de l'environnement par le groupe de travail Biodiversité, l'annulation du projet n'a pourtant pas suscité de consensus lors des débats. Une mission d'inspection a donc été lancée en décembre dernier par Jean-Louis Borloo, Ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, et Michèle Alliot-Marie, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales. Cette mission a notamment conclu qu'aucun argument majeur et décisif, pour un refus, ne peut être invoqué à partir du dossier de demande (sérieux et assorti de normes environnementales sévères) et des procédures menées à leur terme plutôt correctement conduites. Cette position plutôt favorable au projet a été contrebalancée par la note d'analyse du Museum National d'Histoire Naturelle (MNHN) qui précise que quelles que soient les mesures de réduction d'impact de l'exploitation industrielle prévue, celle-ci détruira bien sûr les sites concernés ; au-delà de la concession, elle affectera indubitablement aussi l'intégrité écologique, spécifique et génétique du massif de Kaw sans retour à l'état initial.
Ainsi, bien que le dossier soit complet sur le plan technique et réglementaire, le Président n'a pas souhaité donner l'autorisation d'exploitation. Conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement, nous avons réalisé une analyse très approfondie de ce dossier. Il est apparu que le site de la montagne de Kaw est doté d'une richesse biologique exceptionnelle, et peut même être considéré comme un sanctuaire naturel. Malgré la qualité du projet du groupe Iamgold, ce projet ne peut être conduit à un tel endroit, a déclaré Jean-Louis Borloo.
Cette décision a, très logiquement, ravi les associations environnementales. Ce NON est le premier jalon pour mettre un terme à la fièvre de l'or qui ronge la Guyane depuis si longtemps, au détriment de la nature et de ses habitants, estime la fédération France Nature Environnement. Pour le WWF, le fait de ne pas autoriser l'ouverture de la mine va permettre de retrouver une cohérence sur ce territoire, avec la politique déjà engagée par l'Etat et les collectivités locales pour la conservation et la valorisation du patrimoine naturel.
En revanche, les opérateurs miniers ont fait part de leur totale désapprobation. La société Iamgold a rappelé que le Camp Caïman est un projet de mise en valeur recelant environ 1,1 million d'onces d'or et qu'à travers le processus de demandes de permis, la Compagnie a satisfait à toutes les exigences légales, techniques et environnementales, incluant des audiences publiques exhaustives et des consultations populaires. Nous croyons fermement que le projet Camp Caïman aurait catalysé le développement économique dans la région de la Guyane française et aurait constitué un modèle d'exploitation minière en matière de responsabilité sociale et environnementale en France, estime Joe Conway, président et chef de la direction. Selon l'AFP, le groupe aurifère canadien Iamgold a laissé entendre qu'il pourrait déposer un recours.
Conscient des conséquences économiques de l'arrêt du projet, le Président de la République a assorti sa décision du souhait de développer une exploitation des ressources aurifères compatibles avec la préservation des richesses de biodiversité de la Guyane. Il a donc appelé à la mise en place d'un schéma départemental d'orientation minière et d'aménagement dans les plus brefs délais. Ce schéma permettra de délivrer des autorisations d'exploitation dans des conditions acceptables par tous, explique le communiqué de l'Elysée. Estimant que la Guyane, berceau d'une biodiversité exceptionnelle à l'échelle planétaire, a besoin d'explorer des voies nouvelles qui concilient enfin développement économique et respect de l'environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet a soumis au Président de la République et au Premier ministre des propositions concrètes qui répondent à ces deux impératifs. Cinq pistes sont envisagées. Elles ont pour dénominateur commun l'exploitation durable des ressources de la biodiversité (pharmacopée, écotourisme, biocarburant de la 2ème génération, filière bois/énergie, développement maritime et aquaculture).
Pour Bertrand Goguillon du bureau Guyane du WWF-France ce schéma d'orientation répond à la problématique : en Guyane, la prise en compte du patrimoine naturel, des potentiels pour le développement durable (écotourisme) et la cohérence d'aménagement du territoire, ont trop souvent souffert de l'absence d'une véritable politique de planification minière intégrant, comme il se doit, les enjeux de conservation. Il s'agit pourtant là d'un point clef pour l'avenir de la région, explique-t-il.
Le Chef de l'État a prévu de s'exprimer sur ce sujet à l'occasion de son prochain déplacement en Guyane, les 11 et 12 février prochains.