Donner la compétence aux collectivités locales sur toute l'aire d'alimentation des captages d'eau potable en vue de favoriser les pratiques agricoles durables. C'est l'objectif qu'avait affiché le ministère de la Transition écologique à l'issue des Assises de l'eau, en juillet 2019. Pour cela, il avait prévu l'instauration d'un droit de préemption sur les terres agricoles situées sur les zones de captage.
Cette annonce s'était traduite par l'adoption de dispositions législatives dans la
« Atteinte grave à la liberté d'entreprendre »
Ce retard dans la mise en œuvre du dispositif s'explique par les oppositions rencontrées au sein de la profession agricole. « La FNSEA s'est toujours opposée à l'extension de ce droit de préemption. Il s'agit en effet d'une atteinte grave à la liberté d'entreprendre des agriculteurs », explique le syndicat majoritaire dans sa contribution à la dernière consultation publique. « Ce droit de préemption soulève également des problèmes importants pour la démocratie locale, ajoute la FNSEA. Il permet en effet à une collectivité territoriale d'exercer des prérogatives exorbitantes hors de son territoire via un établissements public délégataire et donc d'imposer ses choix politiques à des citoyens qui ne l'ont pas élue ».
Accélérer les pratiques agricoles favorables
Le dispositif, qui entre en vigueur immédiatement, permet au préfet de département d'instaurer un droit de préemption sur les terres agricoles situées dans les aires d'alimentation des captages d'eau potable au profit des communes, groupements de communes ou syndicats mixtes compétents en matière d'eau potable. C'est-à-dire que ces collectivités peuvent acquérir ces terrains en priorité lorsqu'ils sont mis en vente. Elles peuvent aussi déléguer ce droit à un établissement public local compétent en matière de prélèvement d'eau. « Ce droit doit permettre d'accélérer l'installation de pratiques agricoles favorables à la protection de la ressource en eau. Il ne remet pas en cause la destination agricole des terrains préemptés », explique le ministère de la Transition écologique.
Le décret précise la procédure d'instauration du droit de préemption. Il fixe le contenu de la demande que la collectivité doit adresser au préfet. Avant de statuer par arrêté, ce dernier doit consulter les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés, mais également les chambres d'agriculture, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), ainsi que les commissions locales de l'eau. Le préfet doit prendre sa décision dans un délai de six mois à compter de la réception du dossier complet de la demande. L'arrêté préfectoral instituant le droit de préemption doit désigner le titulaire de ce droit, le périmètre concerné et ses motivations.
Les règles applicables en cas de vente de parcelles soumises à ce droit de préemption sont les mêmes que celles applicables au droit de préemption existant au profit des Safer. Le décret précise la procédure de préemption elle-même. Les propriétaires qui souhaitent vendre doivent adresser une déclaration préalable au titulaire du droit de préemption, dont le contenu doit être précisé par arrêté ministériel. Le silence de la collectivité pendant deux mois vaut renonciation à l'exercice de son droit. Le décret précise la liste des pièces que la collectivité peut demander au vendeur. Lorsqu'elle envisage d'acquérir le bien, cette dernière doit transmettre une copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La déclaration, qui doit faire l'objet d'une publication, doit également être notifiée au vendeur, au notaire et à la Safer.
Baux comportant des clauses environnementales
Les biens acquis sont intégrés dans le domaine privé de la collectivité qui les acquièrent. Ils ne peuvent être utilisés qu'en vue d'une exploitation agricole compatible avec l'objectif de préservation de la ressource en eau. S'ils sont mis à bail, les baux doivent comporter des clauses environnementales de manière à garantir la préservation de la ressource en eau. Lorsqu'un bail est déjà en cours, de telles clauses doivent être introduites au plus tard lors de son renouvellement. Le titulaire du droit de préemption peut vendre les terrains, mais un contrat portant obligations réelles environnementales (ORE), garantissant la préservation de la ressource en eau, doit alors obligatoirement être conclu avec l'acquéreur. Les terrains acquis peuvent aussi être mis à disposition des Safer dans le cadre de conventions.
« L'équilibre nous apparaît avoir été trouvé lors des nombreuses consultations tenues depuis les Assises de l'eau », a estimé la FNCCR pendant la consultation. Comme elle l'a rappelé pour calmer les oppositions, « l'ensemble des 33 000 aires d'alimentation de captages concernent moins de 8 % de la surface agricole utile française et toutes ne sont pas concernées par ce type de mesures », et ce, alors que les activités agricoles pourront se poursuivre sur les terrains préemptés.