Les chaufferies, chaudières, ou encore les sous-stations de réseaux de chaleur ou de froid en pied d'immeuble, figurent parmi les sites stratégiques dont la continuité de prestations est jugée impérative. Au stade actuel, il s'agit donc d'assurer une continuité « acceptable » des activités et services essentiels, tout en assurant la protection des agents. Au-delà, le ralentissement de certaines consommations, la baisse du prix des énergies fossiles et la suspension des appels d'offres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) inquiètent une filière à l'équilibre économique déjà précaire.
Une filière globalement opérationnelle
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) s'est d'abord penchée sur les conditions d'approvisionnement en bois. « Les entreprises de productions de bois énergie peuvent continuer à travailler », constate la FNCCR qui s'appuie sur les consignes données par Matignon à la Fédération nationale du bois (FNB). Quant au transport, il reste autorisé, dès lors que sont prises des mesures de prévention adaptées. « Tous les déplacements doivent être justifiés », rappelle la FNCCR, insistant sur le fait que « les personnels devront détenir [un justificatif et une attestation de déplacement] pour tous leurs déplacements y compris pour les chargements et livraisons ». À ce stade, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) confirme que l'activité forestière est maintenue et que des canaux de distribution restent opérationnels.
Pour autant, l'approvisionnement pourrait malgré tout être perturbé. Le Comité interprofessionnel du bois énergie (Cibe) craint que l'épidémie entraîne la mise à l'arrêt des scieries et ralentisse l'ensemble de la filière. « Si, à tout le moins,les chaufferies bois pouvaient continuer à fonctionner le plus longtemps possible, cela permettrait de maintenir une activité et un certain équilibre pour les sociétés d'approvisionnement en combustible », souhaite le Cibe. Il espère surtout que les installations ne cèderont pas aux « sirènes » de la baisse des prix du gaz et du fioul. Et de rappeler que les derniers hivers, relativement doux, ont déjà entrainé une stagnation des volumes, voire une diminution, qui a « malmené » les entreprises du secteur.
Lorsque le réseau fonctionne, l'employeur doit s'assurer que « seuls les agents dont la présence est requise pour des raisons de continuité de service et un service public minimum devront être à leur poste de travail », rappelle la FNCCR. En outre, elle recommande d'envisager la mise « en réserve » de certains agents, de prévoir des moyens de transports alternatifs, voire d'hébergements sur le lieu de travail pour les agents « indispensables ». Pour les personnes présentes sur les sites, les gestes barrières et la distanciation au travail sont de rigueur : limitation des réunions au stricte minimum, adaptation de la restauration collective, etc.
Baisse de certaines consommations
Pour sa part, la FNCCR fait le point sur la facturation des clients. Elle rappelle que la loi d'urgence du 23 mars 2020, pour faire face à l'épidémie de Covid-19, et l'ordonnance qui l'accompagne, ont prolongé de deux mois la trêve hivernale des coupures d'énergie. Cette année, l'interruption de fourniture d'énergie des résidences principales des clients particuliers, au motif d'un impayé, ne peut être réalisée avant le 31 mai.
S'agissant de la facturation des entreprises, les mesures prises par le Gouvernement visent explicitement le gaz et l'électricité. Mais, « l'extension à la chaleur livrée par réseau de chaleur peut être envisagée », estime la FNCCR. Pour les microentreprises (moins de dix salariés et un chiffre d'affaires annuel inférieur à 2 millions d'euros), les textes prévoient le report ou l'étalement des factures, ainsi que le renoncement aux pénalités de retard, aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures pour non-paiement. En outre, « le ministère de la Transition écologique et solidaire a précisé que les très petites entreprises (TPE) éligibles au fonds de solidarité mis en place par l'État et les Régions, pourront bénéficier de droit de cette mesure ». Il s'agit des TPE réalisant moins de 1 million d'euros de chiffre d'affaires, qui subissent une fermeture administrative ou qui ont perdu plus de 70 % de chiffre d'affaires en mars 2020.
Quid des contrôles règlementaires
À noter enfin que la Fedene attire aussi l'attention sur les difficultés administratives auxquelles feront face les gestionnaires de réseau de chaleurs. Il y a d'abord des enjeux de non-respect des dates limites de validité des habilitations, des visites générales périodiques obligatoires, ou encore des certifications. « La Fedene demande à tout le moins la prorogation de la validité des agréments (…) jusqu'au 31 décembre 2020 afin d'éviter l'engorgement de demande d'audits, de recyclages de formation, de renouvellements d'habilitations au sortir de la crise sanitaire et de l'état d'urgence. »
De plus, les projets de production de chaleur renouvelable et de réseaux de chauffage urbains et industriels subissent « la suspension ou le report d'appels à projets de l'Ademe, des appels d'offres CRE Bois [et] des décisions des collectivités locales ».