C'est pourquoi, dans la prolongation du premier sommet UE-Brésil qui s'est tenu au Portugal le 4 juillet dernier, la Commission européenne a souhaité réunir les acteurs du secteur des biocombustibles pour discuter des avantages et des enjeux de la production et de l'utilisation de ces nouveaux carburants. À cette occasion, Andris Piebalgs, membre de la Commission européenne et Celso Amorim, ministre brésilien des relations extérieures ont signé un cahier des charges pour établir un dialogue régulier CE-Brésil sur la politique de l'énergie. Le principal objectif de ce nouveau dialogue sur l'énergie est de faciliter les échanges de vues entre l'UE et le Brésil sur tous les aspects liés à la sécurité de l'approvisionnement et à l'énergie durable. L'accord vise également à développer la coopération bilatérale dans des domaines d'intérêt commun, en particulier les biocarburants et les autres sources d'énergie renouvelables, les technologies énergétiques à faible intensité carbonique et l'amélioration de l'efficacité énergétique.
Rappelons qu'avec 13 millions de tonnes de bioéthanol produites en 2005, le Brésil est le premier producteur mondial. Sa position sur le marché international des biocarburants est donc majeure. Le développement du commerce international des biocarburants a d'ailleurs été au cœur des discussions de la conférence au cours de laquelle certains membres de la commission ont plaidé pour l'importation massive de biocarburants en provenance du Brésil afin de répondre à l'objectif que s'est fixé l'UE.
Selon le commissaire à l'énergie, Andris Piebalgs, l'Europe pourrait atteindre son objectif des 10% d'ici 2020 grâce uniquement à la production nationale de biocarburants, notamment en utilisant la terre agricole en jachère et en réduisant le rythme auquel la terre cultivable est abandonnée au sein de l'UE. Cependant, le commissaire estime que même si cette approche est techniquement possible, ce n'est pas celle que nous souhaitons adopter. Nous estimons que cette option visant à se contenter uniquement des biocarburants produits au niveau national n'est ni probable, étant donné les règles commerciales actuelles et la libéralisation commerciale accrue que nous souhaitions voir à l'avenir, ni désirable.
Cette position est loin de faire l'unanimité au sein des agriculteurs européens et des associations de protection de l'environnement qui une fois n'est pas coutume se rejoignent. Les deux acteurs estiment que l'Union européenne ne se rend pas compte des conditions de production du bioéthanol au Brésil : en appeler à des importations de biocarburants venant de pays producteurs à bas coûts en évoquant des motifs environnementaux, c'est fermer les yeux sur les réalités économiques de ces pays, estime Pekka Pesonen, Secrétaire-général du Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l'Union Européenne (COPA) et de la Confédération Générale des Coopératives Agricoles de l'Union Européenne (COGECA). L'avantage au niveau international dont bénéficie par exemple la production brésilienne repose uniquement sur le bas prix des terres, prix qui est maintenu à ce niveau par la destruction des forêts vierges tropicales et des savanes et par une exploitation des travailleurs qui va parfois même jusqu'à l'esclavage, ajoute-il.
La position des Amis de la Terre Europe est similaire et s'appuie sur la situation en Indonésie où la production intensive d'huile de palme exploite illégalement les forêts tropicales, provoque d'immenses incendies et viole les droits des communautés locales selon une récente étude de l'ONG.
Au final, il semblerait que l'Europe ait à choisir entre importer du bioéthanol par vraiment labellisé « commerce équitable » ou « issu de terres durablement gérées » et produire ses agrocarburants sur ses terres plus ou moins intensivement au risque d'accroître la pollution des sols et des eaux. Mais la protection de l'environnement ou l'indépendance énergétique ne sont pas les seuls critères qui entrent en jeu. Même si pour l'instant aucun accord commercial n'est envisagé, le marché européen représente une belle opportunité commerciale pour le Brésil et l'Europe semble déjà imaginer « un retour d'ascenseur » pour d'autres domaines. Pour l'instant, il ne s'agit que d'un dialogue privilégié sur l'énergie entre l'UE et le brésil. Une première réunion aura d'ailleurs lieu à l'automne 2007.