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AccueilGuillaume Joly et Géraud GuibertPrécarité énergétique : pour de vraies priorités

Précarité énergétique : pour de vraies priorités

La lutte contre la précarité énergétique n'est pas réellement efficace. Les procédures sont très limitées à la fois pour identifier les bénéficiaires potentiels et pour coordonner les financements. Détails avec Guillaume Joly et Géraud Guibert de La Fabri

Publié le 14/03/2016
Environnement & Technique N°357
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°357
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La précarité énergétique, c'est-à-dire la difficulté à payer sa facture d'énergie en dépit de ses besoins élémentaires, concerne aujourd'hui entre 4 et 5 millions de français. L'utilisation de l'énergie est pourtant indispensable à la vie quotidienne, pour s'éclairer, se chauffer et se déplacer.

Le bilan effectué par un groupe de travail de La Fabrique Ecologique montre qu'il existe encore aujourd'hui des situations, non plus seulement de précarité, mais de vraie pauvreté énergétique, avec des taux d'effort (part consacrée à l'énergie dans le revenu) de plus de 15% et des logements véritables "passoires énergétiques". Ces situations se rencontrent d'abord dans le parc privé, chez le petit propriétaire en zone rurale ou le locataire en zone urbaine.

Le dispositif de lutte contre la précarité énergétique s'est pourtant amélioré ces dernières années et de nouvelles dispositions ont été prises ou sont prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de 2015 sur la transition énergétique. Toutefois les aides financières restent destinées beaucoup plus au paiement de la facture qu'à des incitations à la réalisation de travaux ; elles privilégient le traitement à court terme, parfois incontournable, aux solutions durables.

La pauvreté énergétique en ligne de mire

L'examen précis des différents dispositifs montre que, dans pratiquement toutes les procédures, le seul critère utilisé pour déterminer les bénéficiaires des aides est le niveau de revenu. Il y a une grande méconnaissance des situations où se cumulent de faibles ressources, un logement peu performant sur le plan énergétique et la situation du locataire qui, contrairement au propriétaire, doit aussi payer un loyer.

Cette carence empêche ainsi d'avoir une vision claire de la réalité des situations à prendre en compte. Pourtant la situation d'un ménage à faible revenu mais habitant un logement bien isolé, en particulier dans le logement social où des efforts d'isolation importants ont été faits ces dernières années, est très différente de celle d'un ménage au revenu moins modeste mais habitant dans un logement peu performant sur le plan énergétique.

C'est pourquoi nous proposons de mieux concentrer l'intervention des fonds publics sur ce qui est le plus efficace, durable et conforme à nos objectifs sociaux et climatiques : la réalisation de travaux pour les situations de pauvreté énergétique. Celle-ci devrait de notre point de vue faire l'objet d'un traitement d'urgence, en acceptant la logique d'une première étape de travaux d'un montant financier raisonnable ayant pour objectif de rendre le logement tout simplement "chauffable". Cette opération constituerait bien sûr la première étape, mais essentielle, à un programme de réhabilitation global du logement.

Cette priorité suppose une vraie coordination du dispositif qui, de fait, n'existe pas aujourd'hui dans de nombreux endroits. La récente loi de transition énergétique crée un service public de la rénovation énergétique, s'incarnant notamment dans des plateformes de rénovation énergétique chargées de conseiller et d'accompagner les ménages dans ce domaine. Celles-ci pourraient constituer le point d'entrée unique du traitement de la pauvreté énergétique, en coordination avec les différents partenaires.

Leur objectif devrait être d'identifier ces situations de manière systématique et dans les meilleurs délais. Elles seraient ensuite chargées de mettre en place un accompagnement personnalisé et spécifique des ménages tout au long de leurs démarches, y compris pour faciliter une discussion entre locataires et propriétaires. Ceci pourrait être coordonné et prendre appui sur les Points rénovation info service (Pris) "Anah" dédiés aux éligibles des programmes de l'Agence et aux locataires. La plupart des Pris "Anah" sont portés par des Agences départementales d'information sur le logement (Adil), et verraient leur rôle étoffé.

Mieux coordonner les financements

S'agissant des financements, des travaux dans ces situations ne pourront intervenir de façon massive que par une prise en charge quasi intégrale de leur coût. Or les locataires concernés n'ont aucun moyen de les financer ; quant aux propriétaires ils ne le veulent ou ne le peuvent pas toujours.

Pour atteindre l'objectif, tous les financements possibles doivent ainsi être mobilisés de manière coordonnée. Les fonds sociaux d'aide aux travaux de maîtrise de l'énergie (FSATME) existants dans certaines collectivités devraient notamment être complétés par les certificats d'économie d'énergie (CEE) précarité. De nouveaux outils de financement, portés notamment par les collectivités locales, pourraient être mobilisés, comme le micro-crédit, les fonds de garantie ou les avances remboursables. Les marges de manœuvre fiscales dégagées par l'amélioration de la compétitivité des énergies renouvelables (tarifs d'achat appuyés sur la Contribution au Service Public de l'Electricité) et la baisse du prix du pétrole pourraient là aussi être consacrées à cet objectif.

L'objectif devrait être d'éliminer, par exemple en une décennie, l'ensemble des situations de pauvreté énergétique. Si l'enjeu tient à la justice sociale, il est également environnemental dès lors qu'il s'attaque à la racine du problème, l'état d'une partie du parc de logement, et qu'il privilégie les solutions durables  destinées à s'affranchir des énergies fossiles, et cohérentes avec les engagements climatiques actuels. L'enjeu est enfin économique : en cas de forte augmentation des prix des énergies, dans quelle mesure le phénomène de décrochage, c'est-à-dire des ménages qui arrêtent tout simplement de consommer, privera-t-il les fournisseurs et distributeurs d'énergie des rentrées nécessaires à l'équilibre du modèle global ?

La mise en place d'une approche renouvelée de l'action publique devrait ainsi être basée, d'une part sur un financement simple et lisible permettant une massification des travaux de faible envergure, d'autre part sur la mise en place d'opérateurs dédiés à ces petits travaux coordonnés sur lesquels les entreprises n'interviennent pour le moment pas. Cela pourra être en partie financé par les Certificats d'économie d'énergie précarité, en les fléchant sur la confortation de l'outil financier qu'est le micro-crédit, qui intéresse de plus en plus de collectivités.

Actionner tous ces leviers en même temps pourrait drastiquement et rapidement permettre d'éliminer les situations de pauvreté énergétique. Sinon, la transition énergétique aura manqué une partie de son but.

Avis d'expert proposée par Guillaume Joly, urbaniste et président du groupe de travail de La Fabrique Ecologique et Géraud Guibert, Président de La Fabrique Ecologique.

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