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Actu-Environnement

La chute du prix du baril va-t-elle entraver la transition énergétique ?

A 33 dollars le baril au 1er février, le brut n'a pas été aussi bon marché depuis 2005. Et cette situation devrait perdurer, en attendant un prix du carbone régulateur.

Décryptage  |  Energie  |    |  A. Sinaï

Sommes-nous en train d'entrer dans un nouvel ordre pétrolier mondial ? Après une hausse tendancielle du prix du baril de 2005 à 2014, voilà que les cours se sont effondrés de 75% depuis juin 2014. Le Brent s'établit à 52 $ le baril en 2015, en retrait de près de 50% par rapport à l'année précédente. Cette baisse s'explique principalement par la production importante de pétrole non conventionnel aux Etats-Unis et par l'absence de volonté d'ajustement de la part de l'Arabie saoudite qui, depuis novembre 2014, a fait pression au sein de l'OPEP pour une offre non régulée afin de noyer le marché américain des huiles de schiste et d'entraver la puissance pétrolière de la Russie, dans un contexte géopolitique plus tendu que jamais.

Le spectre de la pénurie semble s'éloigner tant les stocks mondiaux débordent. Ce qui provoque un contexte d'incertitudes où se combinent la chute des investissements dans le secteur – qui se chiffre en plusieurs centaines de milliards de dollars - et le déclin du volume global des ressources pétrolières disponibles. Selon l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), il y a eu seulement 130 découvertes de nouveaux puits dans le monde en 2015, contre 200 l'année précédente. "Des navires d'exploration sismique [servant au repérage de gisements offshore, ndlr], même modernes, partent à la casse", rapporte Nathalie Alazard-Toux, directrice économique de l'IFPEN. Indirectement, cette réduction des activités de prospection est une bonne nouvelle pour l'environnement. En Arctique, la tendance est au retrait des projets de plate-forme offshore car ces investissements sont risqués, y compris en termes d'image.

Une surabondance trompeuse

La surabondance de l'offre est donc conjoncturelle et trompeuse. Car d'ici quelques années, la demande pourrait repartir à la hausse, tirée par les besoins des pays émergents. En raison du sous-investissement actuel, cette reprise de la demande pourrait se heurter à une production réduite, assortie d'une remontée brutale des prix. C'est ce que redoute l'Agence internationale de l'énergie, dont le directeur exécutif, Fatih Birol s'est exprimé lors du Forum économique mondial de Davos qui s'est tenu du 20 au 23 janvier dernier : "Ce qui m'inquiète le plus, c'est que les investissements dans de nouveaux projets pétroliers ont été réduits de 20% [en 2015] par rapport à 2014. C'est la baisse la plus forte dans l'histoire du pétrole." Pour Patrick Brocorens, président de l'Association d'étude des pics pétrolier et gazier (ASPO) en Belgique et chercheur à l'université de Mons, le bas prix du baril s'explique par l'abondance des pétroles non conventionnels américains qui ont permis de compenser le pic mondial de pétrole conventionnel passé inaperçu au milieu des années 2000 : "Il est à craindre qu'on se retrouve pris au dépourvu par un overshoot des prix du pétrole causé par une offre insuffisante ".

Pour autant, le pétrole reste la matière première de la croissance. L'énergie alimente le système économique global. La croissance de la demande énergétique est tirée par l'augmentation de la population mondiale et par l'aspiration à la consommation mondialisée. Globalement, la demande totale d'énergie devrait encore augmenter de 21% d'ici à 2030, selon l'Agence internationale de l'énergie (World Energy Outlook 2015). Inversement, le ralentissement de la croissance globale, notamment dans les pays de l'Union européenne, mais aussi en Chine, contribue à réduire les consommations pétrolières et à entretenir une surabondance de l'offre. A cela s'ajoute le réchauffement climatique et les températures anormalement chaudes de l'année 2015 qui ont eu une incidence sur le prix du pétrole.

Post COP 21 : les intentions des Etats vont-elles tenir bon ?

Dans le même temps, la dérive du climat et les engagements des Etats lors de la COP 21 tendent à façonner une nouvelle donne de l'énergie. Dans le World Energy Outlook 2015, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) table sur la fermeté des responsables politiques quant à la mise en place des règles de marché et des subventions nécessaires au déploiement des énergies renouvelables dans le secteur de l'électricité afin que la baisse du prix du pétrole n'ait pas de large impact.

Dans le domaine des économies d'énergie, selon l'AIE, le prix bas du pétrole peut faire perdre au monde près de 15% des économies d'énergie réalisables, "soit 800 milliards de dollars qui ne seront pas consacrés à l'amélioration de l'efficacité des voitures, des camions, des avions et d'autres équipements grand public, ce qui ralentit une transition énergétique indispensable."

Pour le consultant spécialiste de l'énergie Bernard Laponche, c'est dans le secteur des transports, directement dépendant des produits pétroliers, que les conséquences de la variabilité erratique du prix du baril sont immédiates, à la différence de l'électricité dont la production dépend peu de l'or noir. L'effet est sensible "surtout aux Etats-Unis où les taxes sur les carburants sont faibles". L'engouement pour les SUV est du reste de retour sur le continent nord américain.

Mais les énergies renouvelables (Enr) résistent, car elles sont peu délocalisables, les infrastructures sont déjà en place et fonctionnent avec une matière première gratuite – qu'il s'agisse de soleil, de vent, ou de capacité hydraulique des cours d'eau. En France, la loi de transition énergétique engage le pays à une réduction de 30% des fossiles en énergie primaire d'ici à 2030 par rapport à 2012. A l'horizon 2030, la part des Enr devra avoir atteint 30% de la consommation finale, et 40% de la production électrique. "Si ces objectifs sont tenus, la France renforcera sa résilience par rapport à la variabilité des prix du pétrole et se prémunira de l'aléa", estime Bernard Laponche.

En Europe, les prix de gros de l'électricité sont aussi en forte baisse, par effet d'entraînement, à 30 € le mégawattheure. Les énergies renouvelables du secteur électrique ont en revanche été épargnées, confirme l'IFPEN : les investissements en 2015 sont en hausse de 4% d'après Bloomberg New Energy Finance, à 329 milliards de dollars dans le monde (Chine 110 Mrds$). Aux Etats-Unis, les Enr se maintiennent malgré le prix bas du gaz, tandis que le nucléaire est en déshérence.

Fragilité des gaz de schiste

La baisse du prix de pétrole entraîne celle du gaz, sur des marchés en partie liés. Comme le souligne Thierry Salomon, vice-président de l'association négaWatt, cet effet baissier sur le marché du gaz a des conséquences positives sur l'environnement, au sens où il modifie par effet de levier les investissements, encourageant ceux dans les centrales à gaz combiné : "En l'occurrence, en Allemagne, des investissements dans le charbon ont été annulés et le gaz s'impose comme l'énergie de la transition, combiné avec les Enr". Reste à saisir l'opportunité créée par le contexte actuel, qui lui permet d'alléger sa facture énergétique de 10 à 15 milliards d'euros par an : "Le gouvernement pourrait en profiter pour constituer un fonds pour la transition énergétique".

Sur le front des gaz de schiste, le marché est en pleine décomposition puisque la baisse du prix du gaz conventionnel, entraînée par celle du pétrole, annule la compétitivité des investissements dans les puits de gaz de schiste. Aux Etats-Unis, les dépôts de bilan se multiplient au Texas et dans le Dakota du Nord. Quelque 42 sociétés pétrolières seraient en faillite. Les gaz de schiste étant plus polluants que le gaz naturel conventionnel, c'est plutôt un signal positif pour l'environnement. Les forages sont en baisse de plus de 10% en ce début d'année par rapport au point haut de septembre dernier. Les demandes de permis de forage au Texas ont chuté massivement sur la fin de l'année par rapport au niveau observé sur le premier semestre. La bulle des shale gas serait-elle vouée à éclater ?

Le charbon résiste

Le gaz émet trois fois moins de CO2 dans une centrale électrique que le charbon. Mais est-ce que cela aura un effet bénéfique pour assurer la compétitivité de cette énergie jugée plus propre ? Malheureusement, le lignite resterait, sur les bases des anticipations actuelles, toujours plus compétitif pour le nouveau géant charbonnier qu'est l'Inde, à moins d'une action politique concertée. Il faudrait un doublement de son prix ou un quadruplement du prix du CO2 pour changer la donne, estime l'IFPEN. D'où l'importance des outils fiscaux, tels que la taxe carbone.

Des pays comme l'Inde, désormais cœur du monde énergétique, et l'Indonésie ont profité du déclin du prix du pétrole pour poursuivre leur abandon des subventions aux combustibles fossiles. Le rôle de la Chine en tant que moteur des tendances énergétiques internationales change à mesure qu'elle entre dans une phase beaucoup moins énergivore de son développement. Les énergies renouvelables ont représenté près de la moitié de la nouvelle capacité de production électrique mondiale en 2014.

Le bois énergie en attente de taxe carbone

Pour Serge Defaye, consultant du cabinet DEBAT et ancien président du Comité interprofessionnel Bois-Energie, l'avenir de la production/distribution de chaleur à partir de renouvelables (biomasse ligneuse, biogaz, géothermie, solaire actif et passif) est lié au prix des énergies fossiles et au niveau de la taxe carbone. "Aujourd'hui, la situation est énorme : on est passé de 110$ à 35$ le baril entre 2014 et 2016. Du coup, le prix du fuel domestique a été divisé par deux et est descendu à 0,55€ le litre. Pour le fuel, à 1€ le litre, on arrive à un prix de 120 à 130 € par MWh. Actuellement le MWh produit par des petits réseaux de chaleur bois en milieu rural revient à 95 € mais le fuel est redescendu plus bas. Dans des opérations collectives type réseaux de chaleur ça pèse énormément". Le risque à ce prix là est de voir des industriels se dé-raccorder. En milieu rural, les projets de réseau de chaleur pourraient être mis en attente.

En France, la taxe énergie-climat fixe à l'horizon 2020-2030 une hausse de 30% du prix des énergies fossiles. L'effet taxe, à terme, aboutit à un renchérissement du fuel domestique, mais cet horizon est encore lointain. La surfiscalisation des fossiles et la défiscalisation des Enr devraient suffire à rétablir une saine compétitivité. Le fonds chaleur existe, mais il n'est pas consommé. La logique des réseaux de chaleur à partir de chaufferies à bois est plus centralisée, c'est une logique qui demande des investissements au long cours. Dans le contexte actuel, cela devient un défi.

Réactions4 réactions à cet article

C'est une guerre économique entre les manipulateurs des marionnettes de la Maison blanche qui appliquent la doctrine Wolfowitz et le peu ragoûtant patron de "la Sainte Russie", allié de la "République démocratique de Chine"

Sagecol | 03 février 2016 à 10h28 Signaler un contenu inapproprié

Oui c'est déjà le cas.
Sauf si les Etats fon du dumping de prix pour les écotaxes.
En résume:
Pas de transition énergétique sans transition fiscale et écotaxes.

ActiVE | 03 février 2016 à 14h27 Signaler un contenu inapproprié

Poser la question, c'est y répondre : bien évidemment, un pétrole peu cher est une catastrophe pour la planète ! Aucun investisseur ne se lancera sur des projets à court terme bas-carbone, forcément plus coûteux. Et d'autant moins qu'il n'y a aucune contrainte genre taxe carbone ! Et quand on entend nos politiques clamer que c'est bon pour l'économie, on peut se demander la profondeur de leurs convictions quant à cette transition.

dmg | 03 février 2016 à 18h26 Signaler un contenu inapproprié

Oui le véhicule 100% électrique à une rentabilité positive seulement à partir de 15 000 km/an avec ce coût de carburant si bas. Avant la crise la rentabilité était sous la barre des 10 000 km/an.

ActiVE | 16 février 2016 à 10h59 Signaler un contenu inapproprié

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