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Les énergies renouvelables attentistes à la veille de leur confrontation au marché

A partir du 1er janvier 2016, les nouvelles installations d'ENR seront confrontées directement au marché. Les professionnels et les investisseurs sont dans l'expectative, alors que la concertation sur la future prime de rémunération s'achève.

Energie  |    |  S. Fabrégat
Environnement & Technique N°349
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°349
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"On passe de la pataugeoire au grand bain". Jean-Marc Bouchet, président de la société de développement des énergies renouvelables Quadran, illustre par cette image la révolution que s'apprête à vivre le marché des ENR français.

Alors que jusque-là, des tarifs d'achat permettaient d'assurer, pendant vingt ans, les revenus de ces installations, à partir du 1er janvier 2016, les nouvelles installations (hors éolien) devront revendre leur électricité sur le marché de gros. Un complément de rémunération versé ex post comblera l'écart entre le prix de marché et un prix cible fixé par filière.

La DGEC (1) mène depuis fin février une concertation sur le système de calcul de ce complément de rémunération. Alors qu'elle devrait soumettre sa proposition à arbitrage ministériel fin juin, professionnels et investisseurs retiennent leur souffle. Et cet attentisme se traduit directement sur le marché : alors que 2014 était marquée par un rebond, les premiers mois de l'année 2015 semblent connaître une nouvelle accalmie. Une tendance qui pourrait durer selon l'option qui sera finalement retenue par le gouvernement. C'est ce qu'il ressortait des débats organisés par Green Univers le 16 juin sur le financement des énergies renouvelables.

Le marché craint un manque de visibilité

La première proposition de la DGEC est une formule complexe, visant à assurer, par filière, un prix de marché de référence. Mais elle tiendrait compte des coûts de gestion de cette vente directe, déduction faite de la rémunération induite par la valorisation des garanties d'origine et des certificats de capacité. Cette prime serait assortie d'un plafonnement du nombre d'heures de fonctionnement et deviendrait dégressive dans le temps.

"Cette formule contient beaucoup trop d'inconnues. Il sera compliqué d'apporter les financements nécessaires à un projet sans obtenir un minimum de visibilité", analyse Nicolas Rochon, fondateur de la société de conseil en investissement RGreen. Il traduit ainsi les craintes de tout un secteur.

"Cette formule introduit un aléa qui n'existait pas auparavant : l'absence de prévisibilité sur les prix, qui s'ajoute à la question de la capacité de vendre l'électricité sur le marché. Les banques sont attentistes", explique Thierry Lethuillier, responsable du pilotage stratégique BpiFrance.

Pour éviter un gel des investissements dans les ENR, Damien Mathon, délégué général du syndicat des énergies renouvelables (SER), demande une simplification de ce mode de calcul, pour se rapprocher de celle pratiquée en Allemagne "où 90% de l'électricité renouvelable est désormais directement vendue sur le marché". Chez nos voisins allemands, la prime représente la différence entre le prix de marché de référence et le prix de vente, et est complétée par une prime de gestion pour compenser les surcoûts liés aux risques et aux surcoûts de la vente sur le marché.

Un acheteur de dernier recours pour sécuriser les projets ?

Cette confrontation directe au marché va pousser les professionnels à inventer de nouveaux modèles. "Jusque-là, on ne se souciait pas de la commercialisation", admet le président de Quadran.

Pour sécuriser les investissements, le SER demande la mise en place d'un acheteur de dernier recours, comme cela a été fait en Grande-Bretagne ou en Allemagne : "L'idée est de fixer un prix de rachat décoté afin d'éviter les effets d'aubaine. Mais cela permettrait de couvrir le risque assurantiel", explique Damien Mathon. Pour Laurence Martinez-Bellet, avocate associée chez Watson Farley & Williams, c'est une "solution intéressante" qui permettra de rassurer les marchés.

De nouveaux modèles de financement se construisent

Mais de nouveaux modèles de financement devraient voir le jour. "Il pourrait y avoir un tassement du marché de la dette sur les mois qui viennent et les besoins en fonds propres ou en dette mezzanine (2) pourraient s'accroître", analyse l'expert de BpiFrance.

Afin de diversifier les sources de financement, "nous allons inévitablement basculer dans des partenariats avec des collectivités, converger vers des associations, des sociétés d'économies mixtes", prédit Jean-Marc Bouchet. "L'idée est de vendre directement l'énergie aux collectivités qui nous accueillent" avec des contrats de long terme. Sa société, Quadran, a déposé la semaine dernière sa première réponse à un appel d'offres public.

Les exploitants devraient également avoir recours à des agrégateurs, dont le métier s'invente progressivement en France. "Ce schéma peut être structurant mais un risque persiste pour les banques dans le fait qu'EDF n'est plus le seul co-contractant. L'enjeu sera d'apprécier la solidité des agrégateurs. Certains d'entre eux ont déjà mis en place des garanties avec des homologues allemands plus gros, afin d'apporter une garantie", explique l'avocate Laurence Martinez-Bellet.

La concentration des acteurs est également inévitable "pour gagner en compétitivité", estime Jean-Marc Bouchet.

Un marché plus vertueux

Malgré les nombreuses incertitudes qui planent sur le court-terme, tous sont convaincus du bénéfice de la réforme à long terme. "L'amélioration et le pilotage de l'énergie sera une des grandes résultantes de ce marché, tout comme le développement du stockage. Il va y avoir un apprentissage des acteurs, avec des conséquences vertueuses", souligne Damien Marthon.

Ce mécanisme devrait également faire le ménage au sein des filières, comme la baisse des tarifs d'achat en 2010 a permis de le faire : "Ca va apporter plus de compétitivité, plus de barrières à l'entrée. Cela va conduire à un tri dans les opérateurs", estime Nicolas Rochon.

1. Direction générale de l'énergie et du climat2. La dette mezzanine s'inscrit en plus de la dette et des fonds propres. Son remboursement est subordonné à celui de la dette senior, sa rémunération est donc plus élevée.

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