Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

“La réforme des enquêtes publiques devrait améliorer la participation du public”

Alors que la publication des décrets de réforme de l'enquête publique est attendue pour la fin de l'année, Jacques Breton, Président de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs, revient sur cette procédure essentielle pour la mise en œuvre du principe de participation du public.

Interview  |  Aménagement  |    |  L. Radisson
   
“La réforme des enquêtes publiques devrait améliorer la participation du public”
Jacques Breton
Président de la Compagnie nationale des commissaires-enquêteurs (CNCE)
   

Actu-Environnement.com : Qu'est-ce qu'une enquête publique ?

Jacques Breton : L'origine remonte au début du XIXe et découle de la Déclaration des droits de l'homme et de la défense du droit de propriété. L'enquête publique vise à informer et recueillir l'avis du public sur tous les projets touchant l'aménagement du territoire ou l'environnement, sous maîtrise d'ouvrage publique ou privée. On dénombre de 10 à 12.000 enquêtes publiques par an actuellement, contre 17.000 il y a cinq ans, menées par 6.000 commissaires-enquêteurs. Elles portent sur des aménagements d'importance très diverse, qui peuvent aller d'un simple carrefour à des projets aussi lourds que la réalisation de la ligne à grande vitesse Sud-Ouest.

Actu-Environnement.com : Un projet égal une enquête publique ?

Jacques Breton : La plupart du temps, non. Plusieurs enquêtes publiques sont généralement organisées pour un même projet au titre de différentes législations : utilité publique du projet, enquête parcellaire dans le cadre d'une expropriation, législation installations classées, loi sur l'eau, etc. Le record est détenu par le Mont Saint-Michel pour lequel 14 enquêtes simultanées avaient été menées. L'un des objectifs de la réforme en cours est d'ailleurs de simplifier les régimes applicables.

Actu-Environnement.com : Quels sont les projets les plus sensibles ?

Jacques Breton : Les grosses infrastructures, comme l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes l'illustre bien, ainsi que les installations de traitement ou de stockage des déchets. Mais, à l'inverse, il y a des enquêtes, que l'on peut estimer à environ 10 % du total, où l'on ne voit personne. Soit que les projets sont mineurs, soit, au contraire, qu'ils dépassent les intérêts particuliers. C'est le cas d'une enquête récente que j'ai menée sur un schéma de cohérence territoriale où la participation du public a été très faible alors que le dossier concernait tout le département.

Actu-Environnement.com : Les enquêtes publiques ont-elles une réelle influence sur les projets ?

Jacques Breton : Pour l'ingénieur, porteur du projet, son projet est toujours le meilleur. La plupart des projets soumis à enquêtes sont effectivement réalisés. Mais ces projets sont amendables, et d'ailleurs très souvent amendés. Ils peuvent aussi être retardés par une modification de la réalité économique en cours de route ou par des contentieux. A ce propos, il faut rappeler que les enquêtes publiques sont encadrées juridiquement et peuvent être attaquées devant les tribunaux administratifs, essentiellement, et trop souvent, pour vice de forme.

Actu-Environnement.com : Vous arrive-t-il de rendre des avis défavorables sur les projets ?

Jacques Breton : Oui, mais c'est très rare car les dossiers sont présentés lorsqu'ils sont très complets. Cela représente moins de 5 % des cas. L'avis favorable peut aussi être assorti de réserves. Si ces réserves ne sont pas levées, cela équivaut à un avis défavorable. L'autorité administrative, maire ou préfet, peut théoriquement passer outre mais elle doit motiver sa décision. Le Conseil d'Etat exige d'ailleurs cette motivation des actes administratifs. En pratique, les préfets respectent les avis des commissaires-enquêteurs. Dans certains cas, cela peut toutefois conduire à refaire l'enquête publique.

Actu-Environnement.com : Que va changer la réforme en cours ?

Jacques Breton : Elle va permettre d'interrompre provisoirement l'enquête publique en cas de difficulté d'acceptabilité sociale du projet. Le commissaire-enquêteur alertera alors le maître d'ouvrage pour qu'il apporte des aménagements. Une autre possibilité de  modification du projet est également prévue une fois l'enquête publique terminée. Ces changements devraient permettre d'accélérer la mise en œuvre des projets.

Actu-Environnement.com : La réforme va-t-elle avoir une influence sur la participation du public ?

Jacques Breton : Oui. C'est l'autre grand axe de la réforme. Actuellement, le public vient souvent en toute fin d'enquête en raison d'une certaine inertie, d'une information insuffisante ou parce que certains élus préfèrent la discrétion. L'utilisation d'Internet va permettre à terme une prise de connaissance du projet avant même l'ouverture de l'enquête, la possibilité d'intervenir pendant sa réalisation et celle de consulter le rapport final, tout cela en ligne.

Actu-Environnement.com : Etes-vous satisfait de la réforme ?

Jacques Breton : Oui, globalement. Nous étions opposés à la volonté d'instaurer une enquête simplifiée dans la loi Grenelle 2 et nous avons obtenu gain de cause. Sur les projets de décrets, nous sommes satisfaits à 90 %. Le seul écueil : nous souhaitions qu'une concertation préalable à l'enquête publique soit imposée, comme pour les dossiers d'urbanisme. En fait, le choix de mener ou non une concertation en amont sera laissé à la discrétion du maître d'ouvrage.

Actu-Environnement.com : Les enquêtes publiques ont-elle évolué au cours du temps ?

Jacques Breton : La prise en compte croissante de l'environnement et l'accumulation des contentieux poussent les maîtres d'ouvrage à affiner leurs projets. En particulier sous l'influence des associations, souvent accompagnées de juristes, et d'interlocuteurs de plus en plus efficaces du fait de la pertinence des informations avancées. Face à des dossiers de plus en plus complexes, la formation des commissaires enquêteurs doit aussi, et ne cesse, de s'améliorer.

Actu-Environnement.com : A cet égard, êtes-vous satisfait du récent décret modifiant la constitution de la liste d'aptitude des commissaires enquêteurs ?

Jacques Breton : Nous avons accompagné la réforme. Avant, les commissaires enquêteurs étaient quasiment inscrits à vie sur les listes d'aptitude. Ces listes vont maintenant être rafraîchies, les commissaires vont être auditionnés et devoir justifier des formations suivies.

Actu-Environnement.com : Quel est le profil type du commissaire enquêteur ?

Jacques Breton : Ce sont aux deux-tiers des retraités : anciens fonctionnaires, militaires… Nous comptons même dans nos rangs d'anciens préfets et généraux, ainsi qu'un viticulteur. Parmi les actifs, les professions les plus représentées sont les bureaux d'études, les architectes et les géomètres.

Actu-Environnement.com : Au final, qu'est-ce qui fait un bon commissaire enquêteur ?

Jacques Breton : Une triple capacité d'écoute, d'analyse et de synthèse.

Réactions10 réactions à cet article

Il faut être conscient que lorsqu’une association locale ou non ,vite qualifiée d'écologiste, avec des meneurs souvent sous-informés, voire bornés, bloque inutilement un projet, comme ce fut trop souvent et reste encore parfois le cas, cela fait perdre de l'argent à l' exploitant qui, ayant prévu le coup, et le coût, fait payer ce retard au contribuable. De plus pendant un retard non justifié, la pollution continue.

Les exploitants ne sont pas de enfants de choeur , mais il est l'une ou l'autre association nationale qui ont besoin de brosser aux associations des catastrophes possibles pour se valoriser et faire parler d'elles dans les médias.

Face à un projet, le souhaitable, c'est une association locale environnementalement très exigeante, sur la base d'une bonne connaissance des réalités techniques, mais constructive ; ce qui permet d'obtenir du respect de la part des élus et de l'industriel, et, si nécessaire, des améliorations dans un court délai qui économise du temps, de l'argent, de l'énergie, et ne peut que faciliter le travail du commissaire enquêteur.

Triboulet | 01 décembre 2011 à 08h28 Signaler un contenu inapproprié

Et la reforme prévoit elle de mettre à disposition des commissaires enquêteurs formés, ou plutot devrait-on dire "qualifiés". Parce qu'un vieil agriculteur de 70 ans ne comprend souvent rien aux PLU sur lesquels il doit émettre un avis. Que de bourdes et d'inepties rédigées, de mauvais conseils distribués gratuitement aux communes... et qui ont malheureusement une valeur réglementaire.
Quel dommage en tant que professionnel d'être jugé sur un travail de 2 ans avec quelques phrases laconiques et dépourvues de sens (quand le commissaire enquêteur ne décide pas de donner des idées lui-même... on aura tout vu!!!)

urba urba | 01 décembre 2011 à 13h07 Signaler un contenu inapproprié

En réponse au commentaire: si les initiateurs des projets, comme le prévoit la convention d'Aarhus ratifiée par la France, faisaient participer les citoyens à la conception du projet, peut être que certaines oppositions pourraient être évités. Actuellement, comme les enquêtes publiques se font aprés la définition du projet, c'est à dire à une moment ou il est pratiquement impossible de le modifier sérieusement, il ne reste plus que la solution du blocage pour faire amender le projet.
Mais cette participation réelle préalable se heurte à la peur des élues de voir leurs décisions remises en causes et à celle des exploitants de ne pas pouvoir faire selon leur bon vouloir. Ne vous étonnez pas si les blocages continues.

Claude Duport | 01 décembre 2011 à 14h10 Signaler un contenu inapproprié

Il est indispensable que l'article 17 des droits de l'Homme et du Citoyen soit toujours respecté. Pour les enquêtes publiques il conviendrait que les personnes qui demeurent dans le périmpètre de futures installations soient individuelllement convoquées à une réunion publique suivie d'un débat et que les exploitants ne puissent dissimuler les atteintes au droit inviolable de la propriété qu'ils risquent de faire supporter à des gens qui ne demandent qu'une seule chose: être respectés en tant qu'êtres humains, et que leur avis soit pris en compte s'il est non seulement a leur profit mais à celui de la société tout entière.
De plus des projets comme l'installation d'éoliennes industrielles doivent faire l'objet d'un pouvoir complet donné a l'enquêteur tant sur le plan tecnique que financier. Le devoir de précaution doit également faire l'objet d'un commentaire du commissaire enquêteur afin qu'éventuellement les responsabilités pour atteinte a la vie d'autrui soient recherchées.
La France doit rapidement évoluer dans les actions destinées a considérer le Peuple comme des hommes et non comme un troupezu de brebis. Attention aux béliers fougueux !!!! des réflexions urgentes s'imposent notamment concernant l'éolien industriel.
Il faut aussi que dans le cadre d'une enquête le commissaire enquêteur cesse d'éluder les questions embarrassantes qui pourraient nuires a des politiques peu responsables de leur décisions.

CHANTGUY | 03 décembre 2011 à 09h59 Signaler un contenu inapproprié

Contrairement à ce qui est indiqué, nul besoin de justifier le refus de tenir compte d'une réserve
:Cour Administrative d'Appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3,
18/12/2008, 08NC00005
"Considérant que, à supposer même que l'avis émis par le commissaire
enquêteur, en ce qu'il est assorti d'une condition, puisse être regardé
comme défavorable, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée
n'indique pas les raisons pour lesquelles elle s'écarte de cet avis est
en tout état de cause inopérant, dès lors qu'aucune disposition
législative ou réglementaire n'impose qu'une délibération portant
révision du plan d'occupation des sols comporte une telle motivation ; "

JeanSeyrien | 04 décembre 2011 à 11h11 Signaler un contenu inapproprié

Comme il est précisé, l'enquête publique vise à informer et recueillir l'avis du public sur tous les projets touchant l'aménagement du territoire ou l'environnement.

Or, bien des commissaires sortent largement de ce cadre, soit en faisant une nouvelle instruction par exemple de l'étude d'impact, soit en posant plus de questions que le public, c'est à dire en refaisant le projet.

Etant dans l'administration territoriale, je peux vous assurer que les commissaires enquêteur n'ont pas bonne côte, car certains se "la pètes" pas mal.

Je vous citerais pour exemple, la cinquième révision du PLU de la commune de Toulouse ou l'on trouve après un rapport de presque 200 pages ou la commission d'enquête a pratiquement refais le projet, un avis favorable avec 11 réserves et 5 recommandations.

Parmi les réserves, on trouve 21 avis défavorables sur des emplacements réservés.

Pour les non initiés, sachant qu'un PLU est essentiellement constitué de zonages, d'un règlement par zone et d'emplacement réservés pour des projets d'équipements publics, remettre en cause 21 emplacements parait totalement fantaisiste par rapport à l'avis favorable au projet de PLU.

Dans ce même rapport, on trouve au titre des recommandations en fin de rapport:
Article 22 alinéa 2.1: supprimer les points de suspension.

Est ce qu'une telle remarque à sa place dans un rapport d'enquête publique, ou le rapport est mis en ligne pendant un an pour le public. Je ne le pense pas.

Richard | 07 décembre 2011 à 09h19 Signaler un contenu inapproprié

merci

jphnm | 07 décembre 2011 à 15h00 Signaler un contenu inapproprié

Je suis très satisfait de l'évolution des textes sur l'enquête publique, mais il reste un point à. Creuser et à améliorer, il s'agit de l'impartialite et du rôle social du CE:
1-de part leurs origines et leurs revenus les CE retraités ne devraient pas recevoir de rémunération. Le remboursement des frais devrait être suffisant pour garantir leur impartialité. Pour les non retraités qui ne bénéficient pas déjà d'un salaire (professions libérales ou sans profession, consultants etc....) il faut bien sur maintenir les indemnités et même les revaloriser.
2-il faudrait passer un accord avec les DDTE et le Pôle emploi, pour associer à chaque commissaire enquêteur un chômeur présentant les caractéristiques de compétences nécessaires et lui assurer cette formation sous l'égide du CE.Ce chômeur sera lui rémunéré sur le rapport du CE.

Francis montalieu | 13 janvier 2012 à 09h29 Signaler un contenu inapproprié

Certains commissaires enquêteurs sont largement indemnisés sur les grosses enquêtes publiques souvent toujours les mêmes d'autres a peine couverts de leurs frais
Les dossiers remis au commissaires sont parfois médiocres n'en déplaise à Mr le Président de la CNCE état dans l'état

VERTACO | 14 avril 2012 à 07h08 Signaler un contenu inapproprié

Yes we have a dream LIMITER LES FONCTIONNAIRES retraités A LA MOITIE du nombre DES COMMISSAIRES SUR LES LISTES D'APTITUDE departementales
Ils enquetent souvent pour leur anciens collegues comment rester untouchable .Peut être que le nouveau modéle d'enquete sera plus zobjectif ??

LE REVEUR | 16 avril 2012 à 11h00 Signaler un contenu inapproprié

Réagissez ou posez une question au journaliste Laurent Radisson

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires