Le débat sur la filière photovoltaïque, organisé par Enerpresse mardi 8 mars 2011, a été l'occasion d'ébaucher une première analyse de la nouvelle réglementation.
Globalement, Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), juge que les événements des derniers mois pointent "la responsabilité de l'Etat qui n'a pas piloté le développement du photovoltaïque de fin 2008 à mi 2012." Il estime en particulier que ce "laissé faire" a entraîné une bulle justifiant le moratoire et le nouveau cadre réglementaire. "L'Etat aurait dû baisser les tarifs plus tôt, en 2009 et 2010, et plus régulièrement pour éviter une chute brutale", estime-t-il, ajoutant que "les hésitations gouvernementales ont été néfastes pour l'image du secteur et ont abouti à une perte de confiance des citoyens." À ce sujet, il fait état d'une baisse de 30 à 40% du marché des particuliers.
Un cadre réglementaire incomplet
S'agissant de la concertation, le président du SER juge qu'"elle s'est très bien passée car le duo Charpin Trink a été à l'écoute." "Par contre l'Etat n'en a rien retenu" déplore le représentant du SER, avançant en particulier l'objectif annuel de 800 mégawatts crête (MWc) proposé par les professionnels, repris dans le rapport final de la concertation et non pris en compte par la nouvelle réglementation. Il juge que le débat n'était pas possible, les grandes décisions ayant été arrêtées à Matignon en marge de la concertation.
Pour l'avocat Arnaud Gossement, c'est surtout l'absence d'une refonte complète du cadre réglementaire qui pose problème. "Nous avons juste deux textes qui viennent compléter le cadre existant", estime l'avocat. La meilleure preuve est, selon lui, la formation d'un groupe de travail qui doit poursuivre la réflexion en vue d'établir une nouvelle réglementation complète et cohérente avec, par exemple, certaines dispositions du droit de l'urbanisme. Une remise à plat complète que Jean-Louis Bal souhaite aborder durant la campagne présidentielle à venir. "Voulons nous garder un système énergétique centralisé ou se diriger vers un système décentralisé incorporant plus d'énergies renouvelables ?" Telle est la question qu'il aimerait voir émerger à l'occasion de la campagne 2012.
Par ailleurs, Arnaud Gossement regrette que la concertation ait eu pour objet de définir les moyens d'atteindre une cible annuelle qui n'est pas définie. "La cible de 5.400 MWc installés en 2020 correspond-elle à un plafond ? à un plancher ?" se demande-t-il, ajoutant que "cet objectif issu du Grenelle de l'environnement n'a, pour l'instant, aucune valeur juridique." Face à ce vide, il appelle à "des objectifs politiques clairs."
Une filière industrielle menacée ?
S'agissant du nouveau cadre pour les installations de moins de 100 kilowatts crête (kWc), le président du SER juge qu'il "met en péril non pas le marché français du photovoltaïque, il y aura toujours une demande pour des installations, mais la filière industrielle française." En effet, il considère que la baisse des tarifs, prévue dans la formule de calcul des nouveaux tarifs d'achat, entraînera une pression sur les coûts qui pénalisera les fabricants français de panneaux. Pour maintenir leur activité, "les installateurs se tourneront vers l'importation des produits les moins chers", prédit-il.
Par ailleurs, il considère que l'activité des installateurs est menacée à l'horizon 2012. En effet, il estime que l'activité sera maintenue cette année avec les 1.000 à 1.500 MWc inscrits en file d'attente et non affectés par le moratoire. Au-delà, les volumes devraient chuter, ce qui impactera l'activité des installateurs. Pour sa part, le directeur réseaux d'ERDF, Marc Bussieras, évalue plutôt à 2.000 MWc le volume des projets qui ne sont pas invalidés par le moratoire et qui devront être installés d'ici le début de 2012.
La file d'attente encore et toujours au centre des interrogations
Par ailleurs, le responsable du SER regrette que la baisse prévue par le nouveau cadre se base sur les nouvelles inscriptions en file d'attente de raccordement lors du trimestre précédent. "Encore faudrait-il que l'inscription en file d'attente de raccordement soit un bon indicateur des projets qui seront effectivement conduit à leur terme", explique-t-il.
Pour le représentant d'ERDF, les nouvelles conditions réglementaires garantissent que les projets inscrits en file d'attente reflètent la réalité du marché. "Le jalon retenu est calé sur la présentation d'un dossier complet", rappelle-t-il ajoutant qu'"il ne devrait pas y avoir de demande d'inscription 'pour voir'." Effectivement, il apparaît que certains projets en file d'attente n'avaient pas de réalité concrète et visaient à prendre date sur un tarif avantageux avant qu'il ne baisse.
Cependant, ce qui intéresse particulièrement les professionnels est le contenu des deux files d'attente photovoltaïques plutôt que le volume total des projets inscrits. "Pourquoi le ministre n'intervient pas pour rendre publique ces données, alors qu'il parle de transparence ?", demande Arnaud Gossement. Quant au représentant d'ERDF, qui gère l'une des deux files d'attente, il se retranche derrière les dispositions légales : "nous sommes tenus par la loi, il n'est pas possible de divulguer des données sensibles."
Quid des futurs appels d'offres ?
Enfin, la question des appels d'offres pour les centrales dont la puissance est comprise entre 100 kWc et 12 MWc soulève quelques inquiétudes. Tout d'abord, "il n'y a pas de reprise de l'activité pour l'ensemble des projets de plus de 100 kWh puisque le cadre n'est toujours pas connu", rappelle Arnaud Gossement. Une situation qui déplait particulièrement aux représentants de certains industriels présents dans la salle et qui s'inquiète d'une situation qui pourrait durer…
S'agissant de l'encadrement des futurs appels d'offres, "le SER est volontaire pour participer à la rédaction du cahier des charges", rappelle le président du syndicat qui milite pour l'inclusion de critères de qualité. Cependant, il affiche un certain scepticisme quant à l'efficacité de la mesure. "A en juger par les appels d'offres passés, éolien ou biomasse par exemple, on s'aperçoit que dans les faits trop peu des projets retenus voient le jour", explique-t-il.
Pire, les appels d'offres seraient détournés de leur objectif selon Arnaud Gossement. "A l'origine les appels d'offres visaient à soutenir une industrie et maintenant le gouvernement souhaite les utiliser pour freiner le développement d'une filière", explique l'avocat. Par ailleurs, "on se dirige vers des contentieux en pagaille", estime-t-il ajoutant qu'au final "on va transférer les dossiers aux juges." Par exemple, il semble que l'égalité des chances entre EDF et de petits industriels indépendants ne soit pas acquise, non pas qu'EDF soit privilégié mais plutôt parce que les moyens dont disposent les petits opérateurs pour répondre à l'appel d'offre ne sont pas comparables.