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Actu-Environnement

L'arrêté anti-pesticides du maire de Langouët suspendu, la réglementation nationale bientôt renforcée

La justice administrative a suspendu ce 27 août l'arrêté anti-pesticides du maire breton pour incompétence. Mais une fenêtre est politiquement ouverte pour un renforcement de la réglementation au plan national, accompagné de chartes locales.

Agroécologie  |    |  L. Radisson
L'arrêté anti-pesticides du maire de Langouët suspendu, la réglementation nationale bientôt renforcée

L'arrêté pris par le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), Daniel Cueff, défraie la chronique depuis son adoption en mai dernier. Surtout depuis que l'on sait que la préfète de département l'a déféré à la justice administrative, estimant l'édile incompétent pour édicter un tel texte. L'arrêté du maire réglementait l'utilisation des pesticides dans un rayon de 150 mètres autour des habitations et des locaux professionnels.

Après l'audience qui s'est tenue le 22 août, le Tribunal administratif de Rennes avait mis la décision en délibéré. Par une ordonnance (1) prononcée ce mardi 27 août, il suspend l'arrêté du maire en attendant une décision au fond. "Le moyen tiré de l'incompétence du maire de Langouët pour réglementer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de sa commune est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté", juge le Tribunal.

Immixtion du maire dans la police spéciale confiée à l'Etat

"Si, en vertu de ces dispositions du code général des collectivités territoriales, il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait en aucun cas s'immiscer, par l'édiction d'une règlementation locale, dans l'exercice d'une police spéciale que le législateur a organisée à l'échelon national et confiée à l'Etat", rappelle le tribunal. Or, la réglementation de l'utilisation des pesticides relève d'une police spéciale confiée, selon les cas, aux ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de l'environnement et de la consommation, ou de celle du préfet de département. Et non au maire. De plus, ajoute la décision, si le principe de précaution, qui avait été invoqué par le maire, est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d'attributions, il "ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions".

L'ordonnance rappelle qu'il appartient à l'autorité administrative de prévoir l'interdiction ou l'encadrement de l'utilisation des pesticides dans des zones particulières, notamment celles utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables comme les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées ou les habitants et travailleurs fortement exposés aux pesticides sur le long terme. Or, faisant référence à la décision du Conseil d'Etat du 26 juin dernier, le tribunal considère que l'autorité administrative compétente relève de l'Etat et non du maire. Par cette décision, la haute juridiction administrative a annulé partiellement l'arrêté ministériel du 4 mai 2017 qui n'avait pas prévu de dispositions de protection des riverains des zones traitées. Ceux-ci doivent en effet être considérés comme des habitants "fortement exposés" au sens de la législation européenne. Par cet arrêt, le Conseil d'Etat a enjoint aux ministres chargés de l'écologie, de l'agriculture, de l'économie et de la santé de prendre un nouvel arrêté dans un délai de six mois.

Un arrêté qui ouvre le débat

"Juridiquement, ce n'est pas une surprise et le juge ne pouvait pas décider autrement, réagit l'avocat Arnaud Gossement à l'annonce de la décision du tribunal breton. Politiquement, cet arrêté a ouvert un mouvement très intéressant", ajoute le spécialiste du droit de l'environnement.

Le débat est en effet ouvert. Il rappelle celui portant sur les arrêtés anti-OGM pris par les maires il y a une quinzaine d'années. Ils s'étaient heurtés au même obstacle juridique mais, politiquement, avaient "beaucoup contribué à la disparition des cultures OGM", rappelle l'avocat. L'évolution de la société peut en effet être en avance sur celle du droit, comme l'ont montré la multiplication des arrêtés anti-pesticides pris par les maires et la forte mobilisation des associations et du public qui l'a accompagnée.

"La démarche contentieuse engagée par la préfète d'Ille-et-Vilaine est révélatrice d'une vision rétrograde de l'agriculture, usant et abusant du droit pour tenter de museler un débat nécessaire et légitime autour de l'utilisation irraisonnée des pesticides de synthèse", réagissait ainsi l'association Agir pour l'environnement le 20 août. Ce mardi, dans un communiqué déplorant la décision du tribunal, l'association Générations futures invite "tous les maires de France à prendre des arrêtés similaires" et apporte son soutien à Daniel Cueff, qui a immédiatement annoncé faire appel de la décision.

La réglementation en consultation dans les prochains jours

Dans une interview à Konbini, Emmanuel Macron a indiqué au lendemain de l'audience du Tribunal de Rennes qu'il soutenait la préfète qui cherchait à faire respecter la loi. Mais il a donné raison au maire sur ses motivations. "Nous devons aller vers un encadrement des zones d'épandages des pesticides (…). Il y a des conséquences sur la santé publique", a déclaré le président, ajoutant "c'est à nous de réussir maintenant à changer la loi". Lors de la discussion de la loi Egalim courant 2018, le gouvernement avait pourtant refusé des mesures trop restrictives, privilégiant une approche volontaire à travers l'adoption d'une charte d'engagements. "La charte riverain sur les phytos que nous déployons sur le terrain est l'illustration concrète du dialogue auquel nous croyons", a redit ce mardi Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.

Il n'en reste pas moins que l'annulation de l'arrêté ministériel par le Conseil d'Etat et le changement d'approche du président de la République annoncent un renforcement de la réglementation, si ce n'est de la loi. Interrogée sur France Inter ce mardi 27 août, la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne a annoncé la mise en consultation dans les prochains jours d'une réglementation qui "intègrera une interdiction d'épandage à trop grande proximité des maisons". Cette réglementation nationale pourra être adaptée "dans des chartes locales s'il y a des conditions particulières", a précisé la ministre.

S'appuyant sur deux rapports d'expertise réalisés par l'Anses et les inspections des ministères de l'Agriculture, de l'Ecologie et de la Santé, le gouvernement avait présenté en juin le projet de réglementation aux parties prenantes. Les projets de décret et d'arrêté prévoyaient la mise en place de zones non traitées de 5 à 10 mètres de large, combinés avec d'autres mesures de réduction des dérives. Le projet fait "l'objet de consultation avec l'ensemble des parties prenantes", indique la députée LReM Laurence Maillart-Méhaignerie. Il devrait permettre de prévoir une distance minimale entre les zones d'habitation et l'épandage "en fonction de la toxicité des produits utilisés", précise la parlementaire.

1. Télécharger l'ordonnance du Tribunal administratif de Rennes
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-33949-jugement-TA-Rennes-Langouet.pdf

Réactions14 réactions à cet article

Proposer une zone non directement traitée de 5 à 10 mètres afin de protéger les riverains est parfaitement ridicule, les aérosols chargés de phytos allant bien plus loin. Il est donc plus que temps que ce gouvernement cesse son double langage et agisse concrètement en faveur de la santé publique et non de celle financière des agri-managers et des actionnaires des grands groupes producteurs de phytos.
Heureusement que certains maires ont le courage de défier tout un système et assument d'engager des actions dans le but de faire évoluer la loi (à l'instar de ce qui se fit il y a une quinzaine d'années contre les cultures OGM, l'article le rappelant fort à propos). L'Histoire se rappellera d'eux comme des précurseurs, des visionnaires et de véritables serviteurs du bien public. Plus il y en aura, mieux ce sera.
Enfin, la charte riverains de la FNSEA est un outil manifestement très confidentiel : je réside en zone traitée (comme l'immense majorité des habitants de ce pays) mais n'en ai curieusement jamais entendu parler... Il doit donc s'agir d'un nième élément de langage de la com' de ce syndicat, qui n'en est jamais a court.

Pégase | 28 août 2019 à 09h45 Signaler un contenu inapproprié

Habitués des annonces sans lendemain, attendons les actes... Si c'est pour se limiter à 5 ou 10 mètres, ce serait une aimable plaisanterie si le sujet n'était pas plus sérieux!
Je me garderai bien de disputer le raisonnement juridique du tribunal, n'ayant pas les compétences en droit pour le faire. Je remarque simplement avec lassitude qu'un maire peut sans problème signer des arrêtés anti-mendicité ou instaurer des couvre feu pour les mineurs mais pas limiter l'épandage de pesticides. Comme disait le défunt Pierre DESPROGES, "Etonnant, non?"!

adjtUAF | 28 août 2019 à 09h46 Signaler un contenu inapproprié

Conclusion:

1- Il faut qu'un maximum de maires prennent un arrêté réglementant l'utilisation des pesticides dans un rayon de 150 mètres autour des habitations et locaux professionnels pour faire évoluer le droit. (en gardant "150 mètres" pour peser dans le débat)

2- Il faut que des groupes de personnes composés de femmes enceintes, de parents, de personnes âgées ou d'habitants et travailleurs fortement exposés aux pesticides sur le long terme se constituent pour porter plainte contre l'Etat pour mise en danger d'autrui... Un groupe par commune.

Citi | 28 août 2019 à 10h27 Signaler un contenu inapproprié

L'état c'est nous

Mais quand le squatteur de l'Elysée (moins de 18 % des inscrits au premier tour ) dit "La France", c'est sa géniale pensée.

C'est notre culte absurde du vote majoritaire qu'il faut changer pour combattre, entre autres, les cochonneries que les agricultueurs mettent dans les champs.

La majorité de LREM votent aveuglément et la minorité LREM qui s'abstient peu ou prou hypocrite sait qu'elle ne fera pas tomber le gouvernement

Tous après leur bévue peu ou prou intéressés n'ont pas le courage de Matthieu Orphelin et d'un autre dont je ne me souviens plus du nom

Sagecol | 28 août 2019 à 11h53 Signaler un contenu inapproprié

Dommage que ça n'ouvre pas aussi le débat sur la pollution des points de captage d'eau potable par les pesticides dans les zones rurales laissées pour compte par les autorités.
Pour exemple : notre toute petite commune de l'Yonne où l'action citoyenne a obtenu (dans la douleur) la ré-interdiction de consommer l'eau du réseau public à la suite d'une ordonnance exemplaire du TA de Dijon, le 18 juillet 2018. Jugement de fond en attente...
L'instauration de périmètres de protection autour des points de captage et leur contrôle et révision des mesures sont l'objet d'un combat permanent pour des municipalités sans moyens en butte aux pressions de l'agriculture intensive parfaitement introduite dans les instances de décision (Agence de l'eau, corps consulaires, etc...).
Une omerta organisée qui ne laisse d'autre alternative aux riverains que de subir ou d'engager des procédures...
Un projet de Fdération citoyenne de l'eau verra le jour en Octobre prochain.

lucytoyens | 28 août 2019 à 12h31 Signaler un contenu inapproprié

lucytoyens, vous exposez parfaitement les faits. Cette immixtion permanente et acceptée (l'omerta que vous citez) du milieu agricole intensif là où se prennent les décisions (et en amont si possible) constitue une distorsion inacceptable de représentativité des acteurs et donc un déni de démocratie. Il est donc plus qu'urgent que le rapport de forces soit rééquilibré en faveur de l'intérêt général et non plus au bénéfice de quelques intérêts catégoriels.
Leur toute-puissance et le cynisme de nos élites sont les causes désormais bien connues de nuisances trop importantes pour continuer à être tolérées.

Pégase | 28 août 2019 à 17h00 Signaler un contenu inapproprié

Bjr,
le maire aun pouvoir de police et le devoir de protéger ses concitoyens.
Au moins en ce qui lui concerne, personne ne pourra se retourner contre lui à ce sujet puisque le T.A.ignare l'a débouté.

chris | 29 août 2019 à 05h22 Signaler un contenu inapproprié

Demander à son voisin de ne pas exploiter ses surfaces agricoles est ce qui coûte le moins cher! Je ne sais pas où certains maires (j'en suis un ancien) vont chercher ces idées, alors qu'ils ont le pouvoir de limiter les implantations des habitations et PC, ou encore et surtout la possibilité de créer des zones "tampon" dont la largeur n'est pas limitée, et peuvent éventuellement remettre cette surface à des exploitants "bio". Cela à un coût, mais c'est plus responsable que de demander systématiquement à son voisin de faire l'effort que l'on souhaite!

jmf | 29 août 2019 à 15h50 Signaler un contenu inapproprié

@ jmf : les maires auraient le pouvoir d'imposer tel ou tel type d'exploitation des terres agricoles, en mode AB dans votre exemple ? Je croyais que cela n'était pas possible. Sur quel texte fondez-vous votre affirmation ? Merci d'avance de votre retour.

Pégase | 29 août 2019 à 16h32 Signaler un contenu inapproprié

Pégase,
Si à l'occasion de la réalisation d'un lotissement ou d'un espace autre de construction, la municipalité le souhaite, elle peut créer des zones tampon à se convenance. Le coût peut être important.
Si une zone, en attente de sa destination prévue, peut être mise en location avec bail précaire ou approprié le choix de l'exploitant sera possible.
Ce qui reste d'actualité, c'est la possibilité, pour la commune, d'acheter des parcelles dispersées auprès de la SAFER ou des agriculteurs, ensuite par des échanges et de la bonne volonté partagée, ces surfaces peuvent être positionnées auprès des constructions et dans ce cas la commune peut rester maître de l'utilisation. La SAFER est attentive à cette possibilité là, redoutant de vendre à un agriculteur des terres qu'il ne serait pas en mesure d'exploiter par opposition des riverains.

jmf | 29 août 2019 à 18h02 Signaler un contenu inapproprié

J'entends bien la capacité juridique d'une commune de se porter acquéreur auprès de la SAFER ou autre vendeur et de préempter des parcelles si cela se justifie.
Mais à partir du moment où la commune loue les terres dont elle est propriétaire à un agriculteur, peut-elle lui imposer telles ou telles modalités agricoles, notamment des pratiques conformes aux cahiers des charges AB ?

Pégase | 29 août 2019 à 18h51 Signaler un contenu inapproprié

Utiliser la production bio comme zone tampon entre les poumons de la po… pulation et la po...llution voilà une idée que elle est bonne.

Vous n'êtes plus maire parce que non-réélu à cause de vos autres bonnes idées ?

Sagecol | 30 août 2019 à 08h22 Signaler un contenu inapproprié

Sagecol,
Ma formulation est très simplifiée, en effet mettre du bio à, coté des cultures conventionnelles peut choquer sauf que se sera toujours le cas, à moins de détruire la totalité de l'agriculture actuelle. Je sais que certains, aujourd'hui pleinement satisfaits de leur situation, bien alimentés dans leur jeunesse par cette même agriculture, veulent tout détruire. Tuer la mère a toujours été connu comme une position de gens "raisonnables"!!!
Pour Pegase, le choix de l'exploitant peut se faire selon des critères souhaités par le conseil.

jmf | 30 août 2019 à 08h56 Signaler un contenu inapproprié

Je ne me suis pas contenté de me satisfaire, j'ai agi avec pour un cas précis un impact jusqu'au Japon et un autre en Belgique. Etc..

Il ne s'girait pas pour reprendre votre image de tuer la mère, mais la batarde élevée par les agricultueurs; alors que certains sont (re)devenus agriculteurs parfois peu avant de mourir d'un cancer qu'ils se sont donné .

Pour ce qui est du tampon je suggère - réaliste ? - plantation d'arbres et de broussailles. Station d'épuration naturelle serait contradictoire. Quoi d'autres ?

Mais effectivement le mieux c'est d'imposer la conversion aux agricultueurs.

Hélas il faut pour cela de l'argent et c'est de la fausse monnaie légale très polluante qu'on produit à Francfort à la BCE.

Mais on nous le cache. Quoique lorsqu'un journal aussi lu que Voix du Nord consacre deux pages à l'or, ça interroge.

Ouest-France, l'Est Républicain, le Dauphiné, etc.. en ont fait autant cette semaine ?

Sagecol | 30 août 2019 à 09h43 Signaler un contenu inapproprié

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